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Carte blanche à Régine Ballonad-Berthois

Régine est professeure d’anglais au collège Léonard de Vinci à Saint-Brieuc, est Interlocutrice Académique au Numérique pour les langues vivantes dans l’académie de Rennes et membre de la CARDIE. Elle a accepté de nous partager ici ses pratiques pédagogiques…

Je suis professeure de langues depuis dix-huit ans. Le jeu constitue un élément central de ma pratique pédagogique. Apprendre une langue étrangère, c’est jouer à être un autre. Dans le cadre de la classe, on joue à faire semblant d’être anglais, de rencontrer un Américain, de partir en Afrique du sud ou de téléphoner à un Indien.

Autant de situations qui permettent d’appréhender la culture de l’autre car on se met à sa place. Le cours de langues n’est pas un cours comme un autre car entrer dans une salle de langues, c’est franchir une frontière imaginaire et plonger dans un monde où l’on peut explorer l’époque victorienne ou défier Jack l’éventreur.

En fonction des compétences langagières que je souhaite faire travailler et selon les objectifs visés, je ludifie mes scénarios pédagogiques sans nécessairement recourir à des outils numériques.

Un simple jeu de dés peut suffire à rendre une activité d’écriture plus engageante et lever des blocages lorsque l’élève se retrouve seul face à une consigne et à une feuille blanche.

Un banal jeu de dominos avec des mots peut également amener les élèves à manipuler des mots, à les revoir et à les réutiliser dans un autre contexte. Ces activités sont simples à mettre en place car elles ne nécessitent pas beaucoup de matériel tout en séduisant les élèves.

 

Photos publiées sur mon compte twitter @regitice35

Plus les activités plaisent aux élèves, plus ils s’engagent dans l’activité. Plus ils s’engagent dans l’activité, plus ils produisent de l’anglais. Portée par l’enthousiasme de mes élèves et l’ambition de les aider à repousser leurs limites, je me suis naturellement intéressée à tout ce qui pourrait susciter l’engagement d’un maximum d’élèves. Mais il me fallait garder à l’esprit que tous les élèves n’aiment pas forcément jouer et que pour certains élèves, le jeu n’a pas sa place dans un cours. Il convient donc de trouver un équilibre entre les mécanismes ludiques que l’on introduit dans un scénario pédagogique et les objectifs d’apprentissage. On ne joue pas pour jouer. Le jeu doit avoir du sens et apporter une véritable plus-value pédagogique.

Dans une séquence qui se déroule en Jamaïque, on aimerait organiser un voyage scolaire pour visiter le pays. Malheureusement, des contraintes budgétaires nous en empêchent. Cependant, on peut prétendre qu’on part ailleurs grâce au fond vert.

J’ai la chance de disposer d’un tel accessoire dans ma salle de classe, ce qui me permet de faire voyager mes élèves dans des univers réels tels que Time Square à New York ou imaginaires tels que Poudlard.

Grâce à une application pour fond vert telle que Green screen, les élèves se mettent en scène dans un autre endroit sans quitter la salle de classe. L’effet est des plus gratifiants, puisqu’il donne vraiment l’illusion que les élèves se sont filmés ailleurs. Ce résultat immédiatement visible donne du sens à l’activité et de manière naturelle, les élèves persévèrent et n’hésitent pas à recommencer pour obtenir le meilleur résultat.

Lorsqu’on utilise des outils numériques pour ludifier son cours, il est très important de veiller à ce que la prise en main de l’outil ne prenne pas l’ascendant sur la production de la langue. Même si nos élèves sont désignés comme des « digital natives », ils ne sont pas du tout habitués aux usages numériques scolaires. L’un des rôles de l’enseignant consiste à montrer aux élèves comment se saisir de leur smartphone pour s’enregistrer, créer du contenu, partager des informations, communiquer avec des experts dans un domaine. Il s’agit de leur montrer qu’ils peuvent l’utiliser dans un cadre clairement défini pour produire un contenu riche et apprendre.

Afin que les élèves soient pleinement actifs dans la production de jeux et non de simples consommateurs, je recommande l’utilisation d’outils peu coûteux sur le plan cognitif. L’élève doit pouvoir prendre en main un outil en ligne de manière intuitive, de sorte que son utilisation ne constitue pas une difficulté supplémentaire à franchir pour accomplir une tâche. Je recommande donc l’utilisation de services tels que learningapps, qui offre la possibilité de créer des jeux de différentes natures tels que des jeux d’appariement, des mots croisés, des pendus, des textes lacunaires, des mots mêlés, etc.

La construction du jeu peut également être collaborative. Sur le site d’agoraquiz, les élèves soumettent à l’enseignant des questions sur un thème étudié. Lorsque le nombre de questions qui a été fixé est atteint, les élèves peuvent se défier pour remporter des combats de connaissances.

Pour des projets de plus grande envergure, nécessitant du temps et des compétences techniques et transdisciplinaires, il ne faut surtout pas hésiter à travailler en co-enseignement, notamment avec le professeur documentaliste. Pour mon projet Bury me my love, les élèves devaient jouer en groupe à un jeu vidéo, puis rendre compte de leur partie sous forme d’articles rédigés en anglais et de chroniques radiophoniques. J’ai conduit cette expérience dans le cadre des Travaux Académiques Mutualisés.

Pouvoir collaborer avec ma collègue professeure documentaliste m’a été d’un grand soutien car je pouvais aider à l’écrit une partie des élèves tandis que les autres s’enregistraient sur la wikiradio du collège avec la collègue.

Les différentes expérimentations que j’ai menées m’ont permis de mesurer que le rôle de l’enseignant reste primordial après le déroulement du jeu. Pendant une phase de jeu, la durée doit être bien calibrée pour ne pas perdre l’intérêt de l’élève et ne pas le frustrer. Le professeur peut avoir l’impression de n’avoir aucune utilité pendant le jeu. En effet, les élèves agissent en autonomie, en groupe et sont immergés dans l’expérience du jeu. Cependant, la phase de débriefing est déterminante puisqu’elle explicite les apprentissages et permet aux élèves de prendre conscience de leurs réussites ainsi que des efforts qu’il leur reste à accomplir pour construire ou consolider leurs connaissances et compétences.

Pour découvrir mes autres expériences de ludification et le fonctionnement de mon cours :

https://www.dailymotion.com/video/x4wtlge

Un exemple de jeu d’évasion : https://eduscol.education.fr/langues-vivantes/actualites/actualites/article/un-jeu-devasion-pour-mobiliser-les-competences-linguistiques.html

La ludification en cours de langues : https://placedeslangues.editions-hatier.fr/experiences-de-classe/ludifier-le-cours-de-langues-pour-motiver-les-%C3%A9l%C3%A8ves

https://www.speakeasy-news.com/de-la-classe-virtuelle-a-un-monde-virtuel/

https://www.speakeasy-news.com/la-classe-bitmoji/

Un témoignage riche en partage ! Merci Régine !

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